Jamais, au grand jamais elle n'aurait pu imaginer ça. La douleur était telle qu'elle aurait souhaité mourir. À vrai dire, elle était en train de mourir, sauf qu'elle ne le savait pas encore. Au fil des minutes, elle revoyait son passé, commençant par son enfance tranquille dans les rues d'une petite ville au centre du Portugal. Elle revoyait les rues étroites, aux pavés faits de vraies pierres datant des années 1500. Ce qui la frappait le plus, c'étaient ses petites maisons toutes inégales aux murs blancs, avec une teinte jaune vive vers le bas, au cas ou les innondations remonteraient. Le jaune servait à mettre de la gaieté dans les rues, ainsi qu'à prévenir l'achat de pots de peinture « au cas ou ». Quoi qu'il en soit, elle aimait être là-bas. Elle se revoyait partir à l'école, les cheveux noués dans une queue de cheval très haute. Chaques matin, du haut de ses 6 ans, elle demandait à sa mère de lui faire une queue de cheval qui ferait retomber ses longs cheveux blonds sur ses épaules. Elle avait les cheveux si longs à l'époque ! Ils lui arrivaient jusqu'aux fesses. Et chaques matins, c'était la bagarre avec sa mère qui lui demandait si elle ne voulait pas changer pour une fois. « Non ! J'aime mes cheveux comme ils sont... tant pis pour les autres... » Ce qu'elle ignorait, c'est qu'en grandissant, le regard des autres allait devenir de plus en plus important. Sa jeunesse au Portugal, elle l'avait adorée. Ce n'est qu'à l'âge de 16 ans qu'elle fut contrainte de déménager pour aller s'installer dans une petite ville près de Londres, en Angleterre. Lorsqu'elle arriva dans son nouveau lycée, son professeur d'Anglais lui demanda de se présenter à la classe, pensant ainsi la mettre dans l'embarras. Pourquoi une jeune fille venant d'un pays comme le Portugal saurait parler Anglais ? Le sourire aux lèvres malgré le trac de devoir parler en public, la jolie blonde s'avança sur le devant de la salle, se tourna face à la classe après avoir poussé un petit souffle court, et se lança dans un Anglais à couper le souffle.

« Je suis née le 11 juillet 1986, au Portugal.. Même si je vous disais le nom de ma ville, vous ne sauriez jamais ou ça se trouve puisqu'ici, vous ne faites que de la géographie Anglaise... Enfin bref. J'ai adoré mon enfance, bien que nous ayons eu beaucoup de problèmes. Vous ne le savez sûrement pas encore, mais je viens d'une famille plutôt pauvre. On m'a toujours appris qu'il faut travailler pour obtenir ce que l'on veut, alors voilà, depuis toute petite, je bataille. Quand j'avais 4 ans, mes parents ont divorcé. Je suis restée avec ma mère et même si nous avions des soucis financiers, elle a toujours fait en sorte que j'ai tout ce dont j'avais besoin. J'avais de jolis vêtements, mais pas de marque, j'avais à manger, mais pas de grande gastronomie, mais j'étais plutôt heureuse. Je voyais mon père un week-end sur deux, enfin, quand il dégnait venir me chercher. Puis quand j'ai eu 7 ans, mon père a déménagé ici, en Angleterre. Dans la foulée, ma mère est tombée malade. Un cancer. J'ai dû apprendre à m'occuper d'elle, lui donner ses médicaments, lui faire à manger... ce genre de choses. Les voisines m'aidaient beaucoup. Là d'où je viens, c'est comme ça, on se serre les coudes entre nous. Ce n'était pas facile, mais on s'en est sorties, et ma mère a réussi à vaincre la maladie au bout d'un an et demi. Entre temps, je devais m'arranger pour qu'on l'emmène à l'hôpital pour qu'elle suive son traitement, et pour ça, j'avoue que j'étais douée. Un petite sourire, quelques mots à un conducteur de bus ou de taxi, et le tour était joué.

J'étais plutôt triste à cette époque, mais en même temps, cela m'a appris beaucoup de choses sur moi, sur la vie en général. Pas mal pour une fillette d'à peine 8 ans. Après ça, la vie s'est déroulée plutôt normalement. J'allais à l'école, je rentrais, je faisais mes devoirs, je voyais des amies... J'ai grandi sans papa. Mais bon, j'avais droit à une carte à chaque anniversaire, et à chaque noël aussi. Quand ma mère a guéri, j'ai retrouvé le sourire, mon vrai sourire. J'étais à nouveau une fillette insouciante. Cela a duré jusqu'à mes 12 ans. Je suis allée dans une autre école. Par malchance, j'habitais dans une petite ville, et je devais aller dans la grande ville, mais mes amies avaient été affectées à une autre école, ce qui fait que je me suis retrouvée seule. Là-bas, j'étais la fille pauvre qui ne savait pas s'habiller. Je n'avais pas d'amies, jusqu'au jour ou ce garçon totalement à l'ouest a débarqué à son tour. Il avait un an de plus que moi, mais était redoublant, ce qui fait que nous étions dans la même classe. Il était à part : garçon effemminé, aux manières plus que « girly » et surtout, il était rejeté par tout le monde, un peu comme moi. Alors entre outsiders, on a commencé à s'entre-aider. Petit à petit, nous sommes devenus amis. Je dois dire que je regrette son absence ici, parce que je sens qu'il va me manquer. Enfin voilà, grâce à lui, j'ai découvert la mode, j'ai appris à m'habiller si bien qu'après quelques semaines, toutes les filles les plus populaires de mon école se sont mises à me parler.

Enfin voilà, je suis une fille gentille, alors je parlais à tout le monde, mais mon vrai ami, c'était lui. Je suis une personne plutôt fidèle, alors je n'abandonne pas les gens auxquels je tiens. Vers mes 14 ans, j'étais devenue une de ses filles populaires et sympa, vers qui tout le monde va. Tout le monde aimait me parler, parce que je suis de bons conseils et que je suis toujours souriante. Mes larmes, je les gardais pour mon meilleur ami, le seul qui a vu mon vrai visage. Vous me verrez toujours heureuse de vivre, avec un grand sourire sur mes lèvres, mais au fond, chaque mot que vous dites à mon propos me touche, chaque situation ou quelqu'un souffre me touche. Je suis ce qu'on appelle une fille « hypersensible », je pleure devant des films, je suis émue devant des enfants, je suis touchée par la misère et le malheur. Des larmes, j'en ai versées... il n'y a pas si longtemps que ça d'ailleurs. Il y a 6 mois, le cancer de ma mère est revenu. Il y a 1 mois, elle me quittait, me laissant à la garde de mon père. C'est pour cela que je suis venue ici. Je vis avec lui, tout du moins, j'essaye. Mais, vous les filles, vous vous en doutez, un homme qui doit élever une ado de 16 ans, c'est sûr, on risque d'y perdre l'argenterie ! »

Suite à ses mots, des éclats de rires se firent entendre dans la salle. Le professeur apostropha la jeune fille en lui précisant qu'il fallait juste qu'elle se présente, pas qu'elle fasse sa biographie. Camilla lui répondit simplement que pour la connaître, il faut donner plus que son prénom et son âge. Que pour la connaître, il faut savoir ce qu'elle a vécu. Elle retourna à sa place, au fond de la salle. Au passage, elle remarqua les visages plutôt contents de ses nouveaux camarades, mais cela n'effaçait en rien sa tristesse. Elle ne voulait pas réellement être en Angleterre, elle savait qu'elle serait malheureuse ici, pas à sa place. Malgré le fait qu'elle ait des amis par ailleurs. Quoi qu'il en soit, les deux années qui suivirent furent comme elle l'avait prédit : une longue succession de journées interminables. Certes, elle était contente, elle avait des amis, mais elle ne se sentait pas à sa place dans ce pays. Elle ne se sentait pas libre. Cela la rongeait un peu, si bien qu'entre ses 18 et ses 20 ans, lors de ses premières années à l'université, la jeune fille fit tout un tas d'expériences. Les fêtes, l'alcool coulant à flots... mais elle gardait toujours le contrôle de ce qu'elle faisait... ce n'est que le jour ou elle se réveilla à côté d'un inconnu qu'elle se rendit compte à quel point sa vie était vide de sens. Elle décida de freiner les fêtes, l'alcool et d'étudier à fond afin de pouvoir partir. Ou aller n'était pas la question, mais elle voulait juste partir. Les relations entre Camilla et son père étaient plus que désastreuses, et la jeune fille angoissait à chaque visite qu'elle devait faire à son géniteur. Et les années passèrent.

Un soir, une connaissance l'appela pour lui proposer d'aller à une fête. La jeune fille refusa, prétextant qu'elle avait déjà sa fête d'anniversaire ce soir-là : ses 25 ans. Le jeune homme se sentit fâché de ne pas être invité pour les 25 ans de la jeune et jolie Camilla. Il raccrocha après l'avoir copieusement insultée. La fête fut sympatique, mais avec un comité réduit : seuls les amis proches de la jolie blondinette étaient présents. Ils allèrent dans un bar, burent quelques verres, dansèrent sur la piste et versdeux heure du matin, tout le monde décida de rentrer exténués par cette longue soirée. Alors qu'elle était sur le parking, Camilla décida de rentrer à pied, ne voulant pas prendre le volant. Oui, elle se souvenait maintenant, alors qu'elle était à terre, souffrant le martyr. Elle avait commencé à marcher en direction de son petit appartement dans lequel elle vivait en collocation avec deux jeunes filles étrangères qui étaient en Angleterre pour leurs études. Elle était à deux rues de chez elle lorsqu'elle avait sentit une main l'agripper. Elle n'avait pas reconnu l'homme qui l'avait jetée contre un mur, mais elle avait reconnu son odeur lorsqu'il s'était approché de son cou. Il l'avait reniflée, provoquant en Camilla une vague de dégoût, puis d'un coup, il avait dirigé sa tête au-dessus de son ventre. Il l'avait mordue si fort que les larmes lui étaient montées aux yeux. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait ? Pourquoi lui faisait-il ça ? Elle sentait son sang s'écouler mais ne parvenait plus à bouger. Elle était là, au sol, revoyant les plus grands moments de sa vie, l'école primaire, ses longs cheveux blonds lorsqu'elle les avait coupés, son arrivée en Angleterre... et là, elle avait l'impression d'être une jeune fille de 25 ans en train de mourir. Elle ne sait pas au juste combien de temps elle était restée là, mais elle avait compris bien vite ce qu'il lui était arrivé. Elle se dégoûtait. Elle avait envie d'en finir, si bien qu'après quelques mois, elle alla sur un pont et s'apprêta à se jeter dans le vide. Le soleil se couchait, Camilla était debout sur le rebord, et soudain, une voix lui dit qu'elle pourrait sauter, mais que cela ne changerait rien... Alors la jeune fille descendit, mais le temps qu'elle se retourne, la voix était repartie. C'était un jeune homme, et elle pensait l'avoir reconnu... c'était le même qui l'avait mordue... elle tenta de le retrouver, mais elle finit par bousculer une jeune femme qui changea sa vie. Elle s'appelait Isabella, et elle lui expliqua que sa condition n'était pas aussi affreuse que ce qu'elle pouvait penser. Les deux jeunes femmes se retrouvèrent pour parler. Isabella lui expliqua qu'elle avait un amour qui avait disparu, et qu'elle comptait aller dans une ville des USA pour le retrouver. Dans cette ville, il se passe des choses... des choses qui dépassaient l'entendement des simples mortels... seulement Camilla n'était plus une mortelle et ce monde-là était le sien. Elle était sûre : Mystic Falls était le lieu qui lui conviendrait. Quelques semaines après le départ d'Isabella, et après y avoir longuement réfléchi, Camilla décida à son tour de partir.